“Pose pas d’questions sur ma vie, t’as qu’à écouter mes sons.”
Portrait. La nouvelle scène rap en France fascine et prend de plus en plus de place dans les playlists des auditeurs. Khali, La Fève, NeS, H JeuneCrack, Rounhaa… Une génération aux sonorités singulières s’est dessinée et on a eu envie de vous parler d’un artiste en particulier : Luther.
Luther, c’est le genre de garçon à avoir de l’avance sur tout. À seulement 18 ans, il est devenu l’une des plus grandes révélations du rap français en 2022, grâce à un projet et à un talent remarquable et précoce. Avec sa cagoule, sa sincérité et sa polyvalence, Luther coche toutes les cases de l’artiste envoûtant.
Comme beaucoup de nouveaux artistes, Luther parle peu et garde une part de mystère aussi bien autour de son identité que sur sa vie personnelle. Il n’a jamais donné d’interview pour aucun média et les seuls moyens qu’il se donne pour communiquer avec le public, ce sont ses réseaux sociaux et sa musique.
Dans son morceau “PK TU M’APL ?”, Luther dit : “Pose pas d’questions sur ma vie, t’as qu’à écouter mes sons”. C’est ce qu’on a fait et l’artiste qu’il est ne ment pas, ses textes sont riches et donnent de nombreux indices sur qui se cache sous cette cagoule.
En coulisses, la chose qu’on doit le plus répéter à Luther depuis son éclosion, c’est à quel point il est mature pour son âge. C’est la remarque habituelle qu’on imagine pour ces artistes qui changent complètement de dimension à seulement 18 ans. Mais avant d’en arriver à ce niveau de notoriété et d’estime, Luther a perfectionné son art jusqu’à trouver la bonne formule.
Cette maturité est logiquement et directement liée à sa précocité. À 16 ans déjà, il publiait Trame, son tout premier projet, sur les plateformes de streaming. Un an plus tard, c’est l’EP de six titres IDD qui faisait son entrée dans la discographie de Luther. Entre ces disques, l’artiste a aussi pris le temps de travailler en équipe avec le collectif 14LL, dont fait partie notamment l’artiste 14Mirage. Jusqu’à arriver en 2022 et voir naître Garçon, celui qui va tout changer.
Bu$hi, le jeune rappeur lyonnais originaire de la Réunion est revenu le 25 février avec une troisième mixtape qui porte, sans grande surprise, encore son nom. Bushi 2 offre une nouvelle fois des morceaux novateurs ainsi qu’un regard moderne sur le rap francophone. Rencontre avec le rappeur de 22 ans qui voit les choses en grand, très grand…
Une cigarette à la main, entouré de ses potes, le jeune rappeur Bu$hi est confiant. Il sait ce qu’il vaut. Peut être un peu trop d’ailleurs… Distinctif, atypique et audacieux, l’artiste de 22 ans n’a peur de rien et tente, selon lui, des choses que personne n’avait faites avant. Avec trois mixtapes au compteur, Bu$hi impose son style en partageant une dizaine de titres sur chaque projet. « J’ai vraiment beaucoup de sons, je travaille beaucoup et j’avais envie que les gens écoutent ce que j’avais fait. C’est pourquoi j’ai sorti Bushi 1.5, la mixtape Deluxe de ma première mixtape Bushi », confie-t-il avec aisance. C’est deux ans après ces deux premiers projets que l’artiste en dévoile un troisième : Bushi Tape 2. Cette dernière mixtape, chargée en ambition, reflète la personnalité intrépide et présomptueuse de Bu$hi. « J’avais juste besoin de parler et d’entendre comment ma voix allait rendre si c’était moi qui chantais. Je n’avais pas de but précis et même encore aujourd’hui je n’en ai pas. Je suis le petit renoi qui a fait son travail pour en arriver là. » Comme beaucoup de rappeurs, le sujet principal de ses titres est le succès. Il désire être en sécurité et pouvoir protéger sa famille. Ce travail, il le fait avant tout par passion mais surtout pour se mettre à l’abri si un jour tout s’arrête.
Bu$hi a besoin de tenter des choses qui n’ont jamais été vues auparavant. Pour son titre Mistral sorti en 2021, l’artiste et son équipe ont vu grand. Ils ont filmé le clip dans une montgolfière au-dessus de plaines enneigées. Sur cette même lancée, Bu$hi a pour son dernier clip, Link Up, filmé dans une grotte avec une longue veste telle la cape de Batman. Sur cette nouvelle mixtape, on retrouve seulement un seul featuring,Peter Parker qu’il interprète aux côtés de son coéquipier et acolyte Mussy du groupe Saturn Citizen. D’ailleurs, sur la pochette de Bushi Tape 2, on retrouve les anneaux de la planète Saturne en second plan. Mais il a tout de même travaillé avec de grands et célèbres producteurs. Certains morceaux ont été composés par le Dj officiel du groupe Migos Dj Durel, le producteur anglais de Pop Smoke 808 Melo, ou encore Wondagurl, la compositrice de Travis Scott et Rihanna.
A 21 ans, Louis (alias La Fève) a déjà posé ses premières briques à l’édifice d’un rap francophone qui s’affranchit de plus en plus des codes du mainstream. La Fève, premier exemple de réussite française dans la Plug.
“Neutron comme Jimmy, La Fèvе jeune chimiste/Entrе moi et la prod’, t’as capté l’alchimie.” En une punchline savamment distillée. La Fève vient cristalliser l’essence de sa musique et de ses obsessions. Extrait de Kolaf, sa première tape entièrement produite par le beatmaker Kosei. Le morceau Alchimie capte, à la fois, son sens scientifique pour le rap technique et sa manière de le fondre symbiotiquement dans les productions de son acolyte.
Habitué des freestyles depuis sa prime adolescence. Le jeune rappeur de Fontenay-sous-Bois (94) a raffiné sa formule sur cette mixtape publiée en septembre 2020. 9 titres qui puisent leur inspiration dans les productions aquatiques de l’Américain Pi’erre Bourne et le rap expressionniste de Young Nudy ou Playboi Carti. Issu de la nébuleuse composée des rappeurs Khali, Dundy et S-Tee et une cohorte de producteurs dans leur sillage. L’artiste de 21 ans est la première secousse sismique d’une nouvelle vague qui s’apprête à déferler sur la France. Entre influences, considérations esthétiques et écriture nocturne. Rencontre avec le jeune alchimiste du rap français.
Une des sources d’inspirations du mouvement et genre musical très varié la plug/New Wave n’est autre que Skrillex, DJ et producteur légendaire qui œuvre dans la dubstep et l’EDM. De multiples figures de l’Hyperpop se démarquent depuis plusieurs années. On compte entre autres AG Cooks, Charli XCX, la défunte Sophie, Shine, Dorian Electra, Capoxxo, 645 AR et David Shawty ou encore MidWxst.
Et en France ?
En France, le style commence peu à peu à se démocratiser même s’il reste encore incompris du public dit mainstream. On retrouve plusieurs références du genre telles que Winnterzuko, Babysolo33 (qui sera à l’affiche de nombreux festivals cet été) ou encore Snorunt… Originaire de Bordeaux, Babysolo est une artiste qui ne se cantonne pas à un style en particulier. Elle pose en grande partie sur des productions Hyperpop mais ne se considère pas comme actrice du genre pour autant. Une façon de justifier l’objectif initial d’AG Cooks. Elle explique : « J’aime dire que je raconte des histoires. Je peux poser sur tous types de productions . Je cherche surtout l’émotion qui ressort de l’instrumentale. »
Leur côté avant-gardiste, inspiré de mouvements musicaux passés. Que ce soit le DMV Flow, la Plug ou encore l’Hyperpop, ces mouvements sont tous novateurs à leur échelle. Tous comme la Trap ou la Drill, ils possèdent chacun de multiples sous-genres qui offrent une diversité artistique sans égal. Cependant, cette diversité a ses limites dès lors que, mal définis et les genres sont confondus entre eux.
ThaHomey reconnait qu’il peut être difficile pour un auditeur ou un professionnel de nominer les différents styles. : « Il faudrait mettre un nom sur le fait de mixer tous ces styles, parce que les gens se perdent entre tous ces différents genres et musiques. Au final, c’est de la musique, si tu aimes le flow, c’est le principal. »
Qu’on apprécie ou non ces nouveaux genres musicaux, on peut considérer que c’est en prenant compte les richesses artistiques du passé et en les associant avec les techniques du présent qu’on est en train de fabriquer le rap du futur.
Sans compter l’Hyperpop, les origines d’un genre musical bien à part la Plug Musique Les Origines / New wave. Un des points communs de ces différents styles réside dans leur origine. Tout droit venue de la côte Est des États-Unis, cette nouvelle façon de rapper a commencé à prendre de l’ampleur dans les années 2016/2017. Grace a l’apparition d’artistes comme Asap Ant, Baby Smoove, Slimecito ou encore l’évolution musicale de Playboi Carti, qui a commencé à rapper sur des instrumentales de Plug à cette période.
Bien qu’elle soit fréquemment associée au DMV Flow, La Plug Music n’a aucun lien direct avec ce style puisqu’il s’agit d’un type de productions. Le DMV flow, quant à lui, réside dans le fait de rapper en overlap (hors-temps en français). La Slay, tout comme les deux genres cités précédemment. C’est un dérivé de la trap, qui est reconnaissable dans la rapidité et la brutalité des instrumentales plug. L’Hyperpop se différencie des autres genres par sa diversité. Directement inspiré des courants Eurodance, new beat, pop et rap, l’Hyperpop est un genre très varié, qui ne se cantonne pas qu’au rap. Il a été développé et mis en lumière par le collectif et label anglais PCMusic il y a quatre ans.
Une Trap plus légère
La Plug Music (ou plugg) ne date pas d’hier. Les auditeurs de rap US ont inéluctablement déjà entendu des productions plug, sans forcément mettre un mot dessus. Il s’agit pourtant bien d’un genre à part entière, qui a été popularisé ces dernières années. Comment définir la Plug ? Dérivé de la Trap, il s’agit d’un type de productions beaucoup plus douces et planantes, aux drumps légères et aux kicks très mélodieux. La Plug a émergé grâce à la plateforme SoundClound, qui a réuni un collectif de producteurs d’Atlanta : BeatPluggz. Créé par BeatPluggTwo, il est composé de cinq autres membres : A$att, Corey Lingo, Polo Boy Shawty, StoopidXool et MexikoDro. Même s’ils revendiquent être à l’essence de ce qu’on appelle aujourd’hui la Plug, le collectif reconnait avoir puisé ses inspirations chez le producteur Zaytoven.
Les producteurs ont commencé à travailler avec des grosses têtes d’affiche du rap US telles que Playboi Carti, Rich The Kid ou encore Kodak Black. Un des premiers titres qui a obtenu un succès majeur n’est autre que Plug, un featuring des trois artistes cités, produit par MexikoDro.
Depuis, le style ne fait que croitre et les producteurs de Plug se multiplient. On retrouve entre autres : Chinatown, DJ Young Kash, XanGang, CashCache… De nombreux rappeurs américains se sont spécialisés dans ce genre et commencent à s’imposer. On compte parmi eux : Baby Smoove, Diego Money ou encore Goonew. Cependant, la Plug ne s’arrête pas aux frontières des États-Unis. Le genre a voyagé jusqu’en Europe et notamment en France, en grande partie grâce à Soundcloud.
Pionniers
Serane est un des pionniers du genre en France. Français d’origine argentine, le rappeur tire en partie ses inspirations d’artistes comme Playboi Carti et MexikoDro, il a dévoilé en 2020 son album Prise Music (traduction de plug), qui ouvre la porte à la Plug française et à la DMV. Il explique avoir commencé la musique avec son meilleur ami, TTdaFool (un beatmaker américain) : « À la base, je ne faisais pas du tout de Plug. J’étais dans un style plus R’n’B et je chantais beaucoup plus. On devait dropper un projet dans ce style mais je ne me reconnaissais pas dedans. Je me suis mis à faire de la DMV sur des prods Plug . J’ai tout de suite kiffé. Autant dans le style musical que dans le mode de vie qui va avec. »
La Plug est un style encore sous-estimé et incompris dans l’hexagone. Il va donc avec ses éloges et ses critiques.
Serane
Serane est un des artistes ayant fait directement face à elles sur les réseaux sociaux. Il fait preuve de distance et assume entièrement son rap. : « À chaque fois que je sors un truc, ça va parler. Mais je m’en fous, j’y vais à fond. j‘ai envie de m’habiller comme je veux et je fais la musique que je veux. Je ne fais rien pour les gens ou pour l’image. je suis concentre sur les gens qui kiffent et donnent de la force à ce que je fais. Je pense que plus tard, on sera vu comme des icônes incomprises. Il y aura plus de gens qui vont comprendre le truc et qui vont adorer, mais il y a toujours une partie du public qui ne va pas comprendre et pas adhérer au mouvement. Ça fait partie du jeu. »
Serane est loin d’être le seul à rapper sur des productions plug. On retrouve de nombreux artistes francophones dans son style (très planant et axé sur le côté drippeur) dont : 8Ruki,ThaHomey, Rowjay, JMK$, Kasper 939, Yuri Online. Mais la Plug est un genre varié qui accueille de multiples visions artistiques. Jwles est un des acteurs de la Plug en France. Il a un côté très authentique et auto-dérisoire dans ses morceaux, qu’il admet facilement. « Pour moi, le hip-hop, c’est l’expression de soi. Je cherche juste à être moi-même dans mes morceaux. Toute la scène de la new wave est très différente. C’est pour ça que pleins de styles naissent à l’intérieur même de ces genres. »
Directement associé à la Plug, la DMV est pourtant bien dissociable du premier genre. La distinction est simple : la Plug constitue un type de productions, le DMV flow désigne une façon de rapper. L’origine du terme DMV est incertaine. Il aurait été initié en 1995 par Dre All Day in the Paint, un passionné de Hip-Hop basé à Washington. Il a organisé de multiples soirées dans trois états situés autour de la capitale américaine : le District de Colombia, le Maryland et la Virginie. Son objectif était de mettre en lumière des jeunes artistes rassemblés dans ces états.
Le deuxième protagoniste qui a mis en lumière la DMV n’est autre que 20Bello, un vidéaste et rappeur originaire de Washington. Il a adopté ce terme pour associer les artistes originaires des trois états cités plus haut. Au fil des décennies, les artistes se sont appropriés l’appellation pour décrire un flow spécifique. Lui a émergé dans cette région des États-Unis.
La Plug Music est un genre musical qui est né à New York, aux États-Unis, au début des années 2010. Il s’agit d’un mélange de musique électronique, de hip-hop et de musique trap, caractérisé par des basses lourdes, des rythmes accrocheurs et des paroles souvent axées sur l’argent, la fête et la vie nocturne et la vie des jeunes dans notre société actuelle .
Le terme « Plug » fait référence à la « prise » ou à la « source » de quelque chose, et dans le contexte de la musique, il est souvent utilisé pour désigner une personne qui fournit de la drogue ou d’autres produits illicites. Le terme a été adopté par les artistes de la Plug Music pour décrire leur style musical qui représente la source de la « dope » (la drogue), c’est-à-dire la musique qui peut créer une atmosphère « dope » lors d’une soirée ou d’un événement.
Les artistes les plus connus du genre Plug Music en France incluent des noms comme la Fève, Khali, Yvnnis,Luther ou encore NeS , qui ont tous émergé de la scène musicale de Lyon, Paris ou marseille. Le son de la Plug Music a ensuite inspiré de nombreux autres artistes dans d’autres villes des États-Unis et dans le monde entier, contribuant ainsi à son expansion et à sa popularité.