La réalisation d’un album, d’un EP ou d’un single a toujours été un parcours du combattant, une mise à nu. Et le véritable travail de fond ne commence véritablement qu’une fois le processus artistique accompli. Il est illusoire de penser que le travail de l’artiste s’arrête à la sortie de son projet. La commercialisation est une étape fondamentale pour un artiste qui veut continuer à vivre de son art. Un artiste doit gagner de l’argent, et s’il l’artiste est doué pour son art, créer de la musique, il ne l’est pas forcément pour sa commercialisation.
Voici un article qui décrit comment, à travers l’évolution du marché de la musique, le cycle de vie d’un projet musical a été modifié en profondeur.
L’ancien modèle
On cite souvent le passage du physique au digital, avec l’arrivée d’iTunes, comme point de rupture. C’est vrai pour certains sujets, mais c’est l’avènement du modèle du streaming qui vient marquer un tournant dans le cycle de vie d’un projet musical.
En effet, avant l’arrivée de Spotify, Deezer, Napster ou Apple Music, le modèle était basé sur la propriété : on devenait propriétaire d’un support (physique ou digital). Et une fois acheté, on ne payait plus pour écouter son CD ou son fichier mp3, il nous appartenait. Toute la valeur était concentrée dans cet acte d’achat initial. Une fois cet acte effectué, qu’on écoute une fois un titre ou un million de fois ce même titre, la valeur générée était exactement la même. Par ailleurs, pub (TV, radio, journaux, etc.), tournée, affichage…, tout le marketing avait pour but de concentrer toutes les ventes à ce moment clé, pendant les quelques jours suivant la sortie du projet. Les premiers fans constituaient l’immense majorité des revenus générés par un projet. Et ils achetaient la musique de leur artiste dès la sortie de son album ou de son single.
Ensuite, hormis de rares projets, les ventes étaient très faibles. Par conséquent, le chiffre d’affaire total d’un projet musical était réparti de manière très différente : 90% des ventes se faisaient sur les 3 premières semaines d’exploitation. Au bout de 3 mois, la majorité des projets ne généraient plus aucun revenu.
Le nouveau modèle
Aujourd’hui, ce modèle a été complètement transformé. L’industrie musicale reprend des couleurs et est en croissance en France en 2016 pour la première fois depuis le début des années 2000. Cette croissance est tirée par le digital qui fait jeu égal avec le physique, et qui devrait le dépasser dès l’année prochaine. A l’intérieur du marché du digital, les ventes en téléchargement se sont effondrées, avec le déclin d’iTunes. Le chiffre d’affaire des ventes en téléchargement, dans le segment du digital, est inférieur à 20% en 2016. Ce chiffre devrait passer sous la barre des 10% en 2017. Dans le même temps, depuis quelques années, le streaming explose (+42% par rapport à l’année dernière*).
Et le streaming a ceci de particulier qu’on n’est plus propriétaire du fichier audio, on le loue. Et l’artiste reçoit une petite rémunération sur chaque écoute (les revenus provenant de la publicité ou des abonnements), alors que dans l’ancien modèle, il était payé une seule fois. Et plus le titre ou l’album est écouté dans le temps, plus les revenus grossissent.
Il faut ajouter à ceci un phénomène lié au modèle du streaming : les playlists. Les abonnés aux services de streaming écoutent en majorité des titres issus de playlists. Ces playlists peuvent être constituées par les abonnés eux-mêmes, par d’autres abonnés, par des experts indépendants, ou par les plateformes elles-mêmes (via leurs équipes éditoriales, ou via des playlists algorithmiques).
Ainsi, le cycle de vie d’un projet musical est complètement renversé : les revenus ne proviennent plus dans 3 premières semaines d’exploitation, au contraire, la majorité des revenus provient de son exploitation dans le moyen et le long terme. C’est la théorie de la longue traine. Cette caractéristique a de nombreuses conséquences sur la stratégie de commercialisation d’un projet musical. Les distributeurs, les labels ont adapté leur stratégie en prenant en compte ceci. Il est primordial pour un artiste indépendant d’en faire autant.